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La nouvelle vie d'un prof
13 janvier 2015

Parler de Charlie au lycée

Mardi 13 Janvier

 

Actualité oblige, il faut que je reprenne mon blog

 

Les questions d’identités sont toujours très sensibles depuis que je que j’enseigne en Lycée Pro.

D’ailleurs quand j’ai pris mon poste, la première question que m’a posé un élève c’était «POTARD, c’est français comme nom ?», pas très surpris j’ai répondu : «je pense oui, ça se finit en «ard», comme beaucoup de mots français, billard, motard, etc»

Après les attentats de la semaine dernière, je me dis déjà que la situation doit être devenue compliquée au Lycée, et que - heureusement - je ne dois pas revoir les élèves avant la semaine suivante...

La ministre envoie une lettre à tous les personnels recommandant de laisser s’exprimer la parole des élèves et de prendre le temps d’expliquer la situation actuelle en classe.

Je lis dans la presse un article évoquant des difficultés ici et la dans les collèges et lycées du 93.

Rien de surprenant, je me dis que les jeunes ne doivent pas comprendre grand chose avec ces histoires de liberté d’expression et de droit à caricaturer qui sont des totems intellectuels...

Lundi, premier cours, ça démarre sec «Monsieur vous êtes Charlie ?» Je répond «on en parle à la fin du cours...

-Eh non dites, vous êtes Charlie ?

-Oui...

-Heiiiiiiiiin, Quoooooiiii? c’est pas vrai !

-Moi je ne suis PAS Charlie

etc.

Je dois couper court, de toute façon les élèves devaient descendre à une réunion de sensibilisation contre les préjugés organisé de longue date par une association de bénévoles. Cela dure 2 heures, en faisant descendre les élèves dans le couloir, ceux ci sont surexitées, parti devant l’un d’eux se prend même à crier «Allahu akbar».

petit con...

A la réunion, on distribue une feuille polycopié à chaque élève dans laquelle sont notés des mots sensibles comme : français, homme, femme, juif, musulmans, homo, black, etc

A chacun de ces mots il faut en associer un autre ou une expression

Ensuite il doit y avoir des mise en commun, les élèves ne jouent pas le jeu et communiquent leurs réponses entre eux, certains mots sont tout de suite associés (comme français), certains laissent les élèves sans idées, on me demande plusieurs fois ce qu’on pourrait associer à «homo»...

 

Lors de la mise en commun, les associations d’idées sont révélatrices :

quelques exemples

 

français : «blancs, racistes, le Pen»

musulmans : «arabes, voleurs»

blacks : «afrique, force, Martin Luther King, Black Power»

rom : «sales, voleurs»

 

Je laisse les élèves pour la seconde heure, à la suite de celle ci, l'infirmière qui a organisé la rencontre produira un mail outré à propos de l’attitude désinvolte et odieuse des élèves...

Je crois que ça n’a pas eu le résultat escompté...

 

 

 Classe suivante : 

- Monsieur, vous êtes Charlie ?

  • On en parle, promis, à la fin de l’heure
  • heeeein vous voulez pas avouer ?
  • si ça se trouve il a fait la marche hier !
  • Ha ha ha
  • A la fin de l’heure !!!

 

Mardi, lors d’une réunion de réflexion sur les pratique d’enseignement, on revient bien évidement sur la difficulté à parler de l'événement de la semaine dernière «ils l’ont bien cherché» me rapporte t’on, les profs estiment que la minute de silence se serait mieux passé si on l’avait fait en rassemblant tous les élèves plutôt qu’en la faisant dans les classes.

La collègue communiste militante, témoigne elle de ses discussions hargneuses avec les élèves, tout en critiquant la récupération politique de l'événement en «prônant l’unité nationale, quelle idée, c’est n’importe quoi !»

Une autre pense que les élèves cherchent surtout à détourner l’attention, pendant ce temps la, ils ne travaillent pas.

Je pense aussi que c’est surtout de la provoc

 

Je poserais après la question de savoir comment s’était passé la réunion de sensibilisation d’aujourd’hui «c’est simple! la conclusion ça a été que Charlie c’est un complot juif, ils ont envoyé 2 juifs se faisant passer pour des musulmans tuer les journalistes...»

Je crois que les élèves entendent que ce qu’ils ont envie d’entendre, et que le «nous sommes tous Charlie» de la TV ça doit les énerver...

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